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Le temps est bien froid en cet hiver 1905. Sans être historique, on relève ainsi le 2 janvier -11° à Paris et -15° à Lyon. Fin février, le froid est accompagné de neige. Il tombe ainsi 15 cm sur Paris. C’est vraisemblablement à cette époque qu’a été prise cette photo d’une éphémère patinoire " naturelle ".
Patinoire01Selon les anciens, les habitants de Bourg avaient l’habitude de venir patiner le temps d’un dimanche après-midi. Mais attention, rares étaient les habitants de Saint-Denis à s’adonner à ce genre de pratique. D’autant que l’équipement était réservé à une élite qui pouvait se l’offrir.

Seules quelques voitures sont stationnées en périphérie. Une photo (qui reste à retrouver) montre même l’existence d’une buvette à proximité. Si le nombre de patineurs est notable, que dire de la foule de spectateurs !

L’étang n’existe plus, il a depuis longtemps été remblayé. Mais la ferme " Bozonnet " existe toujours comme le montre cette photo prise cent ans plus tard.
Patinoire02Au hasard de votre promenade, vous trouverez, au carrefour du Chemin des Cadalles et des Oures, l’étang comblé de près de quatre mètres de remblais... Il subsiste toutefois un bief et le reste du thou (vanne d'étang) sur le bord du Chemin des Oures.

" Il fait froid ici dimanche matin, nous avons eu 8 degrés au dessous de zéro et il a neigé tout l'après midi, au moment où je vous écris les thous sont encore tout blancs ".

La Chambière - le 26 octobre 1908 - Correspondance de Lucy Nallet - Fille de Joseph Victor Claude Nallet (Maire de Saint-Denis) - fiancée de Auguste Mutin (P.L.M.).

Carillon

Le Carillon du samedi 24 janvier 1914

On patine à Bourg, non plus seulement avec des roulettes, au skating, mais sur la glace - la vraie glace.

Dimanche, le locataire du pré de la Chambière a perçu deux cents entrées à 0,50 centime. Depuis trois ans, pareille aubaine n'était arrivée au brave homme. Cela donne une idée de la foule qui se pressait sur cette patinoire artificielle et de tout repos.

Nos élégantes étaient là, au grand complet, rivalisant de coquetterie et de charme, sous les yeux d'une galerie nombreuse et captivée.

Le patinage est le sport qui favorise, par excellence, l'harmonie des formes et des gestes féminins. Rien de plus reposant des banalités de l'existence que le spectacle de ces théories de patineuses glissant, ondulant, virevoltant, le rose des pommettes avivé, délicieuses sous le polo blanc et dans le tricot voyant des tuniques russes. Et tous ces petits pieds, ces bottines nerveuses qui lancent des reflets d'acier sur la piste limpide où les rayures s'entrecroisent à l'infini, se perdent dans le commun sillage... comme les destinées.

Les hommes, pour la plupart - ils me pardonneront cet aveu - n'ont point cette élégance, quels que soient leurs efforts et leurs effets de mollets.

D'ailleurs, la gaucherie n'est-elle pas le propre de la force ?

Jeudi, par un après-dîner clair et ensoleillé, on recommença plus nombreux encore. Dans l'intervalle, les tout-petits avaient traîné les mamans aux bazards, arsenaux de patins qui se rouillaient et semblaient des ustensiles d'un autre âge. Ce fut la journée des apprentis.

Souhaitons que ce temps dure, puisqu'il est de saison et que la glace tienne - les distractions honnêtes sont si rares chez nous.

Et pour finir, une bonne nouvelle. Instruit du désir exprimé par la population, à savoir qu'elle verrait avec joie les portes du parc de la Préfecture se rouvrir devant elle, M. Peytral, notre nouveau préfet a répondu en des termes aimables qui permettent d'escompter, pour l'an prochain, quelques belles kermesses estivales ou hivernales. Décidément, Bourg est en train de perdre sa réputation de morosité.


PS : Quelques privilégiés ont déjà patiné cette semaine, dans le parc préfectoral, mais la glace, mal entretenue n'étant guère accessible. Un petit accident : mademoiselle AC s'est brisée un poignet.


Vision brève : une magnifique journée d'hiver

31 janvier 1914
Sans doute, il est bien tard pour parler encore d'elle mais qu'importe ? Je suis certain que nos lecteurs se plairont à revivre les impressions idéales de ce dimanche mémorable.

Le thermomètre avait daigné monter à trois degrés au-dessus de zéro. Le soleil était d'or pâle et fin, et le ciel, à travers un tissu de vapeurs, léger comme un réseau de tulle avait une nuance tendre. L'hiver ne nous avait pas encore donné de journées si complètement douces et jolies.

Les burgiens, qui sont plus artistes qu'on ne le croit communément, et qui sentent admirablement que toute beauté éphémère est plus attirante que toute beauté durable, ont voulu jouir des quelques heures exquises de cet exceptionnel dimanche. Ils sont sortis, par légions, pour voir leur belle ville et leurs bois, pour voir des toits endiamantés de givre.

Mais la foule s'était surtout portée vers la Chambière et les lacs glacés. Les uns allaient patiner, les autres allaient voir patiner. Et jusqu'à la nuit tombante, des couples élégants, des burgiennes ravissantes décrivirent sur l'éblouissant miroir du lac des arabesques hardies, sous le regard admiratif d'un peuple enchanté.

(*) Le mot thou, ou tou, selon le Dictionnaire du français régional de l’Ain, viendrait du latin tubus désignant un conduit ou un canal (tô ou teu, en patois régional).

Article de Jean-Philippe Bertrand - Source : archives départementales (64Fi44) - Collection Rémi Riche