C'est un hiver marqué par une vague de froid et des records de températures froides dans l'hémisphère Nord. Il est encadré par deux hivers également marqués par des records de froid dans l'hémisphère Sud, et particulièrement rigoureux en Europe occidentale.
En France métropolitaine, il se caractérise par des chutes de neige importantes et des records de froid dans de nombreuses régions.
On estime le nombre de morts à environ 1 000 à travers l'Europe (pour en savoir plus).
Nos anciens s’en souviennent…
Né en 1951, il me reste peu de souvenirs de cet hiver 1956. Ce qui m’a le plus marqué : mes parents, le soir, fixaient contre la porte d’entrée de la maison une vieille couverture piquée pour se protéger du froid. En rentrant des écuries en fin de journée, mon père posait ses sabots sur le bas de cette couverture pour empêcher au mieux le froid de rentrer dans la maison.
Ma mère faisait chauffer des carrons (pavés en terre cuite) dans le four de la cuisinière à bois que l’on glissait ensuite entre les draps de notre lit pour le réchauffer avant d’aller se coucher.
Ma sœur ainée, née en 1938, était « à maître » (elle s’occupait des enfants et faisait les travaux ménagers) dans une ferme du hameau de Viocet. Elle couchait dans la grande pièce où était la cuisinière à bois (seul chauffage !). Un faitout rempli d’eau pour la production d’eau chaude était posé sur cette cuisinière. Le matin, l’eau était réduite en glace ; d’où l’intérêt de rester bien au chaud sous l’édredon !
Gérard Colignon
J’avais presque 8 ans et je me rappelle ce froid qui avait duré tout le mois de février. Je me souviens des vitres des chambres toutes gelées avec, pour certaines de beaux dessins que notre imagination d’enfants essayait d’interpréter.
Je n’étais pas à l’école car j’avais attrapé un variant humain de la fièvre aphteuse bovine. Fièvre qui je crois avait touché quelques exploitations de la commune et dont il avait fallu abattre le troupeau.
C’est aussi l’année de la construction de la « Tulipe » (château d’eau à Corgenon) arrêtée bien sûr pendant cet épisode de froid. Nous étions sept à la maison, vous imaginez les problèmes pour se laver, dans une grande bassine au milieu de la cuisine ou de l’évier ! Sans parler des animaux qu’il fallait abreuver. Je ne sais plus pour cette période, mais certains hivers notre puits n’avait plus d’eau et mon père, avec le tonneau à purin et des bidons de lait allait en chercher chez son frère à plus d’un kilomètre ; il en fallait du courage.
Jean-Pierre Venet
Je suis né en 1937 : pour ceux de ma génération et aussi celles d'avant, en évoquant l'année 1956, le premier sujet qui revient est le souvenir du froid terrible qui a sévi durant tout le mois de février jour pour jour, agrémenté par une bise glaciale qui n'a jamais cessé durant cet épisode polaire. Au soir du 31 janvier, il pleuvait, il faisait froid mais sans plus.
Le lendemain au réveil, quelle surprise ! Le thermomètre affichait moins 12 degrés avec toutes les conséquences de ce froid subit que personne n'attendait. A cette époque, j'étais en apprentissage au garage de la gare dans les anciens établissements Radior et pour rejoindre le travail il n'y avait bien entendu que le vélo.
Mieux valait être chaudement vêtu pour ne pas geler en route. Au garage, côté isolation, c'était comme dehors, le gel avait fait quelques dégâts sur les véhicules entreposés sans antigel. Ce produit était très peu utilisé ces années-là ; tous les soirs, il fallait vidanger le circuit de refroidissement des voitures qui passaient la nuit au garage, afin d'éviter les effets du gel qui faisaient éclater les blocs moteurs. Tous les jours, il faisait un peu plus froid ; dans l'atelier, nous avons atteint la température de moins 19 degrés. Le petit poêle à sciure qui trônait au milieu de l'atelier ne servait que pour nous réchauffer les mains de temps en temps.
Côté démarrage moteur, avec les huiles de l'époque, aussi épaisses que de la mayonnaise, on plaçait sous le carter un petit brasero pour fluidifier l'huile en espérant un démarrage plutôt laborieux. Ne parlons pas des batteries qui par ces froids polaires perdaient une grande partie de leur capacité ; au final, le remorquage restait le meilleur moyen de mise en route du moteur. Nous avons passé des moments très difficiles, habillés comme des esquimaux en essayant de faire le mieux possible. Je vous relate ici une partie d'un épisode personnel, mais il faut savoir que ce froid polaire a entrainé de très nombreuses perturbations dans la vie de tous les jours. La vie allait au ralenti, et chacun se débrouillait comme il pouvait en supportant les effets d'un froid auquel il n'était pas habitué. Et puis, le jour du premier mars, nous avons pu continuer à vivre normalement.
Michel Venet
Vengeance du charbon ou simple baroud d'honneur ?
En décembre 1954, en rentrant du service militaire j’ai voulu, pour chauffer ma chambre, changer mon poêle Godin à charbon par un poêle à mazout. Ils venaient de faire leur apparition pour le chauffage individuel. C’était plus pratique que le charbon. Après avoir rempli le réservoir d’une vingtaine de litres de mazout, on disposait d’une journée de chauffage sans avoir à intervenir, contrairement au charbon qu’il fallait recharger plusieurs fois dans la journée.
Mon poêle à mazout était un « Potez ». Les usines Potez qui avaient fabriqué des avions s’étaient diversifiées en fabriquant des appareils de chauffage. Le mazout à utiliser devait être du mazout mi-lourd que j’achetais chez Streichenberger. Ce mazout était appelé mi-lourd pour le différencier du mazout utilisé, entre autres, pour les locomotives d’alors, celles fournies par les Américains après la Libération. A l’origine, elles étaient au chauffage à charbon mais elles furent transformées par la SNCF en chauffage au mazout lourd. Ce liquide épais devait venir directement des puits de pétrole et ressemblait à du goudron. Ces locomotives avaient d’ailleurs été baptisées ironiquement « goudronneuses ».
Le mazout mi-lourd préconisé pour les poêles à mazout était donc un peu plus fluide que le lourd. Il n’avait rien de commun avec le gas-oil utilisé par les camions, il était déconseillé pour le chauffage domestique à cause de soit-disant risques d’explosion qui s’avérèrent nuls par la suite.
En 1956, les anciens se souviennent du mois de février où la température descendit jusqu'à moins 25 degrés. Mon « Potez » était dans ma chambre, juste sous le toit de la maison. Et je l’allumais quand le froid était important. Vers le trois février, je décidais de l’allumer mais le mazout mi-lourd était figé et ne coulait plus. Il me fut donc impossible de chauffer ma chambre. Pendant tout le mois, la température de ma chambre se situa vers moins 10 degrés et l’encre de mon encrier a gelé. Je dû rejoindre des pièces chauffées au charbon.
Etait-ce une vengeance du charbon ou un simple baroud d’honneur ?
François Chaume
Article collectif