Lors d'une année correcte au plan climatique, les moissons étaient effectuées au début ou dans le courant du mois de juillet.
La faucheuse à foin faisait l'objet d'une adaptation à la récolte du blé, afin d'obtenir la valeur d'une gerbe posée à plat sur le sol, et qu'il fallait relever pour la lier à l'aide d'un lien que nous faisions avec une poignée d'épis. Les gerbes étaient ensuite rassemblées en tas (bournets) pour parfaire le séchage du grain.
Après quelques jours, toute la récolte était rentrée à la ferme et entreposée, dans une grange, mais le plus souvent dans la cour de la ferme pour faire la meule (meye). La meule était un assemblage savant des gerbes avec les épis tournés vers l'intérieur. La base de la meule était ronde et montait doucement en forme conique pour protéger l'ensemble en cas de pluie.
Jusqu'à l'acquisition d'un tracteur d'origine hongroise et par la suite d'un Vierzon, la batteuse était entrainée soit par un moteur électrique, soit par une locomobile à vapeur dont le premier exemplaire était tracté par un attelage pour les déplacements. Un second modèle plus récent était autotracté.
Avec l'aide des mécaniciens, tout se mettait en place pour le battage et après un petit essai de fonctionnement, toute l'équipe passait à table pour prendre le repas.
Celui-ci était avalé assez rapidement ; un coup de sifflet appelait les personnes préposées au battage et dont la plupart étaient déjà présentes sur le site.
De lourds sacs de grains
Chacun prenait son poste, un sur la meule pour passer les gerbes à son collègue debout sur l'avant de la batteuse, lequel coupait les liens pour envoyer le tout aux deux personnes qui engrenaient les gerbes déliées dans le vanneur. Le grain sortait à l'arrière de la batteuse, et à ce poste, il fallait des costauds pour porter les sacs remplis de grains jusqu'au grenier de la ferme.
Quelques fois à la suite d'un pari, il arrivait qu'ils en montaient deux d'un coup, mais c'était assez rare.
A l'avant de la batteuse sortait la paille, soit en vrac, soit en petites bottes carrées, ce qui facilitait grandement la confection du pailler.
C'était un travail assez pénible, et, comme en plus il faisait chaud, il fallait penser à donner à boire à tous les participants ; c'était notre travail à nous les plus jeunes. Le caquillon de rouge de chez Villon ou Curial en prenait un sale coup.
A la fin du battage, une petite toilette rapide s'imposait à cause de la poussière, et tout le monde se rassemblait autour de la table, afin de prendre des forces pour le prochain battage. Les petits animaux de la basse-cour payaient ce jour-là un lourd tribut.
Si le repas était pris de jour, c'était un peu rapide car tout le matériel était déjà reparti pour le prochain battage. Si le repas était pris en fin de journée, alors on prenait son temps. Beaucoup d'histoires et de rigolades, ça buvait sec sans souci de la fatigue et du cholestérol, d'ailleurs on ne savait pas que ceci existait.
Voilà encore un épisode de notre prime jeunesse à la campagne, dont beaucoup d'acteurs nous ont quittés. Ils nous laissent plein de nostalgie et nous mesurons encore plus maintenant le plaisir de l'avoir connu, alors qu'à cette époque la vie n'était pas toujours facile.